Loi pour une école de la confiance : de quoi sagit-il ?

Qu’est ce que la loi Banquer ?

« Il n’y aura pas de loi Blanquer, et j’en serai fier », avait promis le 26 mai 2017 Jean-Michel Blanquer. Pourtant, vingt mois plus tard, le Ministre présente une loi dite pour une école de la confiance.

Le titre du projet de loi semble ironique tant ce projet de loi est examiné dans un contexte de défiance envers le ministre. Le mouvement des «stylos rouges», après celui #PasDeVague, témoigne ainsi de l’exaspération des enseignants face aux difficultés d’exercer leur métier.

 

Principalement, ce projet de loi :

  • Avance de 6 à 3 ans l’âge de l’instruction obligatoire tout en imposant aux communes de financer les écoles maternelles privées ;
  • Supprime le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), institution indépendante, et met en place un nouveau Conseil de l’évaluation ;
  • Revoit la formation des enseignants : Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé) vont devenir des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) ;
  • Promeut des expérimentations pédagogiques. Les écoles publiques et privées pourront déroger au Code de l’éducation en vue d’« expérimentations pédagogiques », limitées dans le temps.

 

Sur le fond, je suis, avec mes collègues socialistes et apparentés, particulièrement mobilisés sur quatre points :

  • L’article 1 qui porte sur l’exemplarité des membres de la communauté éducative. Il propose de sanctionner les enseignants des « faits portant atteinte à la réputation du service public ». Mais qu’est-ce qu’une atteinte portée à l’institution ? Où est la frontière entre critiquer l’institution et la dénigrer ? Cela met en danger la liberté d’expression des enseignants ;
  • La scolarisation obligatoire à 3 ans, qui est purement symbolique car 97% des enfants 3 ans sont d’ores et déjà scolarisés. Par conséquent, quel est l’objectif poursuivi ? La réponse se trouve à l’article 4 qui rend obligatoire le financement des écoles maternelles privées sous contrat par les communes. L’obligation scolaire à 3 ans ne bénéficiera donc principalement qu’aux écoles privées ;
  • L’article 9 qui supprime le Cnesco, instance indépendante chargé d’évaluer l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire, que le précédent gouvernement avait mise en œuvre pour créer le « Conseil d’évaluation de l’Ecole » composé de 10 membres dont 8 choisis par le ministre. Le ministre sera donc évalué par lui-même ;
  • La scolarisation des enfants en situation de handicap qui était la grande oubliée du projet de loi initial car il n’était pas fait mention une seule fois de ce sujet dans le texte. Suite à nos interpellations à la proposition pour une école vraiment inclusive que nous avons portée lors de notre « niche parlementaire », le Ministre a fait quelques maigres concessions sur le statut des accompagnants.

 

En outre, ce texte pose trois problèmes de forme :

  • Ce texte n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable avec les syndicats alors même qu’il aborde de très nombreux sujets tels que la formation des enseignants, l’instruction obligatoire dès trois ans, la refonte de l’évaluation ou encore le nouveau découpage territorial des académies.
  • Ce texte a été rejeté par l’ensemble des instances consultatives : conseil supérieur de l’Education, Conseil technique ministériel de l’Education nationale, Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche…Selon les syndicats, jamais un texte n’avait été aussi massivement rejeté.
  • Ce texte, par les trop nombreux renvois aux ordonnances et aux dispositions réglementaires, nous inquiète en ce qu’il pourrait être une machine à détricoter les mesures que nous avons adoptées pendant cinq ans. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs rappelé que 18 des 25 articles du projet de loi ne nécessitent aucune intervention législative spécifique.

 

Une politique éducative inspirée par la droite

Il y a quelques semaines, le gouvernement avait fait part de son intention de réduire les allocations des familles d’élèves violents à l’école. Cette mesure avait déjà été prise par le gouvernement Sarkozy, elle avait été supprimée car injuste et inefficace :

  • Injuste car elle touche les personnes les plus pauvres. Supprimer les allocations à une famille peut la conduire à une pauvreté et à une précarité aggravant les difficultés familiales et éducatives ;
  • Inefficace car les enfants violents n’ont pas forcément des parents qui touchent des allocations et les parents ne sont pas toujours en mesure d’apporter une réponse éducative sans pour autant que ça soit voulu.

Par ailleurs, dans la nuit de lundi à mardi, la majorité, avec le soutien du Ministre de l’Education nationale, a adopté un amendement de la droite rendant obligatoire dans les classes la présence des drapeaux tricolore et européen, ainsi que des paroles de l’hymne national.

Durant tous les débats Jean-Michel Blanquer a eu une écoute particulière pour les propositions de la droite qui n’a pourtant cessé de stigmatiser l’école et les enseignants, coupables à leurs yeux de trop de « laxisme ».