Le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire

L’Assemblée nationale a adopté, ce jeudi 6 janvier, le projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire » par 214 voix contre 93 et 27 abstentions. Il comprend notamment la transformation du pass sanitaire en pass vaccinal. 

J’ai voté contre ce texte. Je viens donc ici rendre compte de mon analyse et de mon vote et répondre ainsi à celles et ceux qui, particulièrement nombreux, m’ont interrogé, le plus souvent avec courtoisie et je les en remercie.

 

Préalablement, je tiens à rappeler ici que ce vote n’est en rien fondé sur une hostilité au principe de la vaccination, bien au contraire. Je suis moi-même vacciné et je considère que seule la vaccination, qui relève d’un enjeu universel, s’agissant notamment des pays les plus pauvres, sera de nature à éteindre, ou pour le moins contenir, une telle pandémie. Je crois en la science, en la recherche et en la médecine. Ce sont par ces moyens que nous avons, tout au long de notre histoire, connu des progrès que nul ne peut contester.

Je tiens également à rappeler que je ne sous-estime pas la difficulté pour un Gouvernement confronté à une situation sanitaire inédite. Aussi, ma décision n’est dictée, ni par une position de défiance à l’égard de la science, ni par une position inspirée d’une quelconque forme de dogmatisme idéologique. J’agis librement, en conscience et en toute responsabilité.

Pour le législateur que je suis, comme pour tout autre, l’enjeu réside dans la recherche d’un équilibre entre la nécessaire protection de la population et une atteinte la plus limitée possible à nos libertés. Aucun péril sanitaire ne se combat sans restriction de libertés, publiques ou individuelles. Néanmoins, je mets 2 limites à cet écueil inévitable : les restrictions doivent être bornées dans le temps et proportionnées ; autrement dit, elles ne sauraient emporter des privations excessives pour des résultats sanitaires insignifiants. C’est sur la base de ces exigences que j’ai construit ma réflexion et mon vote final.

D’autres retiendront des critères différents. Chacun placera évidemment le curseur là où il le souhaite, selon ses propres critères et dans une approche inévitablement très personnelle. Je vous livre ici la mienne.

Le Projet de Loi voté le 6 janvier, instaure donc un Pass vaccinal en lieu et place du Pass sanitaire. Dès lors, il convient selon moi de considérer que la vaccination a été rendue obligatoire en France. L’hypocrisie qui consiste à prétendre le contraire, place le Gouvernement dans une situation paradoxale à l’égard des Français(es) puisqu’il ne semble pas assumer cette obligation. Ne pas assumer un choix politique, c’est l’affaiblir, mais c’est aussi adopter une posture interprétée comme une forme de manipulation à l’égard des Français(es), attitude que je désapprouve.

J’ai invariablement affirmé depuis plus de 2 ans mon opposition au caractère obligatoire de la vaccination. Je l’ai fait publiquement et à de nombreuses reprises. Il y a aujourd’hui 5 millions de Français(es) qui ont fait le choix de ne pas recourir à la vaccination. Si je ne partage pas leur choix, je me refuse à les mettre au banc de la société. Celle-ci est suffisamment fracturée pour ne pas courir le risque d’aggraver plus encore ces fractures et dresser une partie des Français(es) contre une autre. Les non vaccinés ne sont pas les ennemis de la société qu’il faudrait marginaliser, si critiquable que puisse être leur choix.

A cet égard, j’ai été profondément choqué par les propos du Président de la République qui, dans une interview au Parisien, a dit vouloir « emmerder » les 5 millions de Français non vaccinés. Ce faisant, par ses propos, le Président a changé la nature même du texte. Un projet de loi qui devait protéger les Français, s’est transformé en un projet de loi visant à les stigmatiser, pour ne pas dire les persécuter. Je suis attaché à l’unité de la nation, je suis sensible à tout ce qui la fragilise et par conséquent, je ne peux accréditer un projet dont son inspirateur reconnaît qu’il a été pensé pour mettre sous contraintes une partie des Français(es).

J’ajoute que cette déclaration du Président de la République ruine désormais tout espoir de voir les Français(es) rétifs à la vaccination, faire le choix de s’y soumettre. Dès lors, c’est tout l’objectif visé par le texte qui se trouve invalidé par les propos du Président lui-même.

Au-delà de ces propos et du caractère obligatoire de la vaccination que je désapprouve, je fonde également mon vote sur un certain nombre d’éléments qui ont emporté ma décision et qui sont les suivants :

  • Je désapprouve le Pass vaccinal pour les enfants. Par définition, les enfants ne sont pas maîtres de leur décision en la matière. Certains seront privés de loisirs, d’activité sportive et de vie sociale, parce que leurs parents se refusent à les faire vacciner. Le principe en vigueur du test négatif me semblait offrir suffisamment de garanties pour leur assurer une vie sociale sans aggraver la circulation du virus. Par un amendement que j’ai déposé avec plusieurs de mes collègues, nous avons pu modifier le projet du Gouvernement en exonérant les enfants de Pass jusqu’à l’âge de 16 ans pour les activités extrascolaires.

 

  • Les enfants ne sont que très rarement soumis à des formes graves de la maladie. Aussi, leur vaccination consiste plus à protéger leurs aînés qu’à les protéger eux-mêmes. Je considère qu’il est excessif de vacciner des gosses en masse pour protéger des adultes qui ont refusé de se protéger eux-mêmes.

 

  • Le texte instaure une obligation de contrôle pour les responsables de cafés, restaurants, cinéma, brasseries, etc. Déléguer le contrôle de l’identité à un tiers non assermenté ne peut s’entendre que lorsqu’il n’est pas permis de faire autrement (on ne va pas mettre un fonctionnaire de police dans tous les casinos de France pour vérifier l’âge des clients). En l’état, c’est faire porter une lourde responsabilité à des commerçants qui sont suffisamment victimes de la crise pour ne pas en faire des agents de lutte contre la pandémie. C’est aux forces de police d’exercer ces contrôles et à elles-seules.

 

  • Le texte n’aborde absolument pas un sujet qui me semble pourtant majeur si l’on veut combattre efficacement la pandémie. En effet, rien n’est avancé sur la levée des brevets et sur une stratégie de vaccination en direction des pays les plus pauvres. L’équité vaccinale doit devenir un combat prioritaire dès lors que les stratégies nationales des pays les plus riches ne suffiront pas à traiter globalement la pandémie.

 

  • Rien non plus sur les programmes de rappel dont tout semble démontrer une forme d’emballement. Le délai entre la 2ème et la 3ème dose a été considérablement réduit. L’hypothèse d’une quatrième dose n’a pas été exclue. L’OMS, dans un discours très clair, a pourtant rappelé que « aucun pays ne pourra se sortir de la pandémie à coups de dose de rappel», rajoutant que « des programmes de rappel sans discernement ont toutes les chances de prolonger la pandémie, plutôt que d’y mettre fin, en détournant les doses disponibles vers les pays qui ont déjà des taux de vaccination élevés, offrant ainsi au virus plus de possibilités de se répandre et de muter ».

 

  • Enfin, je regrette profondément que l’on soit revenu sur la validité d’un test négatif pour effectuer un certain nombre d’activités, de loisirs notamment. Car le meilleur moyen d’éviter la propagation d’un virus, c’est bien de pouvoir connaître son état de santé personnel et de prendre des mesures de protection en consé Le Pass sanitaire, si critiquable soit-il, présentait cette vertu d’intégrer les tests négatifs comme sauf-conduit recevable. Le Pass vaccinal exclut cette possibilité. C’est ainsi que beaucoup moins de tests seront désormais pratiqués en France et que les non vaccinés, menacés de formes graves, seront à la fois moins surveillés et facteurs aggravants de la circulation du virus. D’un strict point de vue sanitaire, le Pass vaccinal présente ici un effet contre-productif.

 

L’ensemble de ces arguments ne saurait me faire oublier un paramètre majeur et qui réside dans la situation des agents hospitaliers, qui sont pour la plupart épuisés. Ces derniers sont soumis à très rude épreuve et je me suis longuement interrogé sur le sens d’un vote qui entraînerait une aggravation de leurs conditions de travail en ne freinant pas la circulation du virus, conformément à ce que ce texte prétend viser.

Même s’il s’avère que le variant Omicron, 70 % plus contagieux que Delta, ne crée pas de raz-de-marée dans les hôpitaux dès lors que le risque d’hospitalisation est 80% moindre, la seule envolée des contaminations représente un risque en soi. L’absentéisme résultant de cette vague d’infections d’une ampleur inédite, risque de perturber le fonctionnement de la société et en premier lieu celui du système hospitalier. C’est une préoccupation que je ne peux occulter.

Le risque lié au manque de soignants a d’ores et déjà conduit la Direction Générale de la Santé à décider que les personnels positifs mais asymptomatiques pouvaient être amenés à travailler en cas de besoin. Je ne peux ignorer en conscience cette situation et la pression qui pèse sur les personnels soignants. 

Défavorable au Pass vaccinal, que je considère comme inopérant sur un plan sanitaire et excessif sur un plan des libertés, il est de ma responsabilité de faire des propositions pour préserver ces personnels hospitaliers. Dans ces conditions, je suis favorable à des mesures ponctuelles de confinement ou de couvre-feu qui ont fait la démonstration de leur capacité à « écraser » la courbe de propagation du virus pour éviter la saturation des hôpitaux. Ces mesures ont un coût économique très fort. Elles ont néanmoins l’avantage de s’appliquer à tous, de manière égalitaire et sans discernement, contrairement au Pass vaccinal qui crée 2 catégories distinctes chez nos concitoyens.

Aussi, au vu de l’ensemble des éléments que viens de vous exposer, j’ai décidé de voter contre le texte soumis à l’Assemblée Nationale en date du 6 janvier.