Projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire

Depuis plusieurs semaines maintenant, un débat enflamme le pays au point de dresser une partie des Français contre les autres et de conduire certains à proférer des menaces de mort à l’égard des élus de la Nation.

Comme à chaque fois qu’il m’a été donné de prendre une position dans ma fonction de Député, je l’ai fait en mettant l’intérêt général des Français au centre de ma réflexion, écartant par principe toutes formes de pression, fussent-elles dirigées contre ma personne.

Je viens donc ici rendre compte de mon analyse et de mon vote dans le cadre du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire. Je réponds ainsi à celles et ceux qui, particulièrement nombreux, m’ont interrogé, le plus souvent avec courtoisie et je les en remercie.

S’agissant de l’extension du passe sanitaire, j’ai donc pris une position claire en votant pour la motion de rejet présentée par mon groupe, en indiquant mon opposition à cette extension et par conséquent à ce Projet de loi dans son ensemble.

Je veux néanmoins préciser avec fermeté que cette position ne change rien au discours constant que je tiens sur le vaccin depuis bientôt 1 an : toutes les épidémies récentes que cette planète a pu connaître ont trouvé leur solution par un vaccin. Le discrédit jeté sur la science et sur la recherche ne fait que renforcer les peurs et la défiance. Seule une couverture vaccinale supérieure à 90 % nous permettra d’atteindre l’immunité collective et de retrouver une vie normalisée. Je soutiens pleinement le recours au vaccin comme unique solution pour sortir de la crise sanitaire.

En revanche, le passe sanitaire élargi aux lieux accueillants du public, relève d’une diversion politique que je ne peux pas cautionner pour plusieurs raisons :

  • Faire contrôler une partie des Français par une autre partie est extrêmement choquant pour moi. S’ajoute à cela le rôle que l’on voudrait faire tenir à des restaurateurs, patrons de cafés, responsables de lieux culturels, salariés ou bénévoles, qui ne peuvent pas être transformés en supplétifs de l’Etat. Ceux-là aimeraient faire leur travail, lequel n’a jamais consisté à contrôler les clients ou les spectateurs.
  • Le passe sanitaire est inapplicable. Il est facilement contournable par quelques audacieux et fera vite la preuve de son impuissance devant une quatrième vague, à l’instar du dispositif « Tous Anti Covid » qui devait faire du signalement en masse et qui s’est révélé un fiasco.
  • Prévoir dans le projet de loi des mesures de licenciement pour celles et ceux qui ne présenteraient pas de passe sanitaire dans les délais prévus, confine à une brutalité d’Etat inédite. Si je regrette la trop faible adhésion au vaccin, je demeure convaincu que priver une femme ou un homme de son emploi, peut conduire aux pires violences. De ce point de vue, cette disposition est irresponsable et témoigne que l’exécutif ne mesure pas l’ampleur des fractures du pays.
  • L’arrivée du variant Delta n’a surpris personne. Avec d’autres Députés, dès le mois de juin, j’avais appelé à l’anticipation et interrogé le Gouvernement sur ses intentions de recourir au passe sanitaire pour accéder à des lieux du quotidien. Il avait été répondu que le passe était formellement exclu et aucune concertation n’a été engagée sur la stratégie de défense pour se protéger du variant. De façon très personnelle, le Président de la République a préféré informer les Français de sa décision. Le texte est donc passé en conseil des ministres dans la soirée du 19 juillet. Il a été adressé dans la nuit à l’Assemblée pour un examen immédiat et sans que le temps de la réflexion ne nous soit accordé. Au Parlement se tient le peuple. C’est la représentation nationale qui siège. Elle y a été, par ce procédé expéditif, méprisée et mise au pas.

 

Notre pays traverse une crise sans précédent. Chacun comprend qu’une épidémie au bilan aussi effroyable appelle à la plus grande responsabilité, que le Gouvernement ne peut se contenter de mesures ordinaires, que les sacrifices pour surmonter l’épreuve sont inévitables, que le renoncement provisoire à nos libertés peut être le prix à payer pour sauver des vies.

Mais dans cette tourmente, qui s’accompagne parfois d’un affolement généralisé, les mesures doivent avoir un sens, un effet tangible et le ratio bénéfice / risque ne s’applique pas seulement au vaccin. Il vaut aussi pour les décisions que prend le Gouvernement. En l’espèce, le désordre social que risque de générer ces mesures me parait tangible quand le bénéfice sanitaire s’annonce dérisoire, pour ne pas dire illusoire.

La vérité plus consternante porte sur notre incapacité à vacciner plus vite, plus largement, plus justement. Notre dépendance à l’égard des nations qui produisent les doses de vaccins et le rythme d’approvisionnement, ne sont pas à la hauteur de nos besoins. Se faire vacciner pour protéger sa santé est plus complexe que d’acheter un paquet de cigarettes pour la ruiner. Ainsi, les citoyens les plus modestes et les territoires les plus fragiles, sont sensiblement moins vaccinés que les autres.

J’exhorte le Gouvernement à mettre en œuvre des modalités vaccinales plus simples, avec des moyens mobiles qui se rendront aux pieds des barres d’immeubles dans nos quartiers, qui sillonneront nos campagnes et qui viendront à la rencontre des oubliés. Je lui demande d’établir des contacts téléphoniques pour proposer des vaccinations à domicile, d’organiser des campagnes de communication avec des scientifiques dont les travaux font honneur à la recherche française. Je lui demande surtout de renoncer à une pratique de l’action publique qui érige la contrainte, l’obligation et la sanction en unique mode de gouvernance.

Rassurer, apaiser, convaincre, rétablir la parole scientifique, se donner des moyens supplémentaires, assurer une transparence des informations, seront toujours plus efficaces que des mesures coercitives et autoritaires dans une société tellement fracturée qu’elle en est menacée de dislocation.

En conscience et en toute liberté, je me suis prononcé contre ce projet de loi.