06/04 : le point sur vos demandes

Avec mes collègues du groupe Socialiste et Apparentés nous relayons vos demandes auprès du Gouvernement, par l’intermédiaire de Valérie Rabault, présidente du groupe à l’Assemblée Nationale.

En plus des questions d’actualité, nous envoyons chaque semaine un courrier au Premier ministre sur tous les problèmes qui nous sont remontés et qui doivent trouver des solutions nationales.

Cela fait partie du contrôle de l’action du gouvernement.

Je vous invite à prendre connaissance du troisième courrier, avec 21 questions, adressé au Premier ministre ce vendredi 3 avril. 

Je vous communiquerai les réponses de l’exécutif au fur et à mesure.

 

Courrier du 3 avril 2020 :

🖋 Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le Premier ministre, Permettez-moi tout d’abord de vous adresser mes sincères remerciements pour les éléments que vous m’avez transmis en réponse aux questions que je vous ai envoyées le 19 mars.

En dépit des précisions que vous m’avez apportées, 21 nouvelles questions ont été portées à la connaissance de mes collègues et à la mienne, concernant la crise sanitaire actuelle et les mesures d’urgence que vous avez décidées. Aussi, je me permets de les relayer, en sus de celles que je vous ai transmises le 25 mars dernier.

1. En ce qui concerne le domaine du Ministère des Solidarités et de la Santé (6 questions) :

1-  Selon de nombreux témoignages de terrain, des cliniques privées ayant pourtant libéré de la place dans leurs blocs opératoires, ont l’impression d’être sous-utilisées dans la période actuelle, et ce en dépit d’une bonne collaboration entre les secteurs privé et public sur de nombreux territoires. Comment le Gouvernement compte-t-il accélérer l’accueil des patients du Covid-19 dans les cliniques et hôpitaux privés ?

2 – Nous avons été alertés sur la situation des médecins retraités depuis plus de 5 ans (et n’étant plus, dès lors, assurés au titre de leur responsabilité civile et professionnelle) souhaitant reprendre une activité bénévole dans le contexte actuel de la crise sanitaire. En première expertise, il apparaît que pour garantir une protection personnelle, cette reprise d’activité doit se faire dans le cadre d’une réquisition par l’Etat. Compte tenu d’une part de la tension opérationnelle sur les services préfectoraux et d’autre part de l’urgence à soutenir les soignants de plein exercice dans la période, le Gouvernement a-t-il prévu un autre dispositif assurantiel, pouvant être mis en œuvre plus rapidement afin de garantir la mise en opération immédiate de ces renforts au chevet des patients ?

3 – Les étudiants infirmiers réquisitionnés réclament davantage de matériel de protection mais également une indemnisation à la hauteur de leur mobilisation dans la période actuelle. Si plusieurs régions ont mis en place des primes supplémentaires, il conviendrait d’étudier une harmonisation du niveau d’indemnisation « par le haut » au niveau national.

4 – La situation des ambulanciers assurant le transport des patients atteints du Covid-19 est particulièrement inquiétante. Dans plusieurs territoires, ils manquent encore d’équipements pour se protéger. A titre d’exemple, dans la Sarthe, un seul kit de protection était mis à disposition par ambulance alors que les ambulanciers travaillent en binôme.

5 – Les micro-crèches sont toujours ouvertes et les assistantes maternelles peuvent continuer à accueillir des enfants. Certaines crèches ont été réquisitionnées pour les personnels prioritaires (soignants notamment). Le collectif des micro-crèches REMI (Regroupement des entreprises de micro-crèches) demande, pour des raisons de sécurité sanitaire, la fermeture administrative de toutes les micro-crèches non-réquisitionnées. Cette demande est-elle prise en compte par le Gouvernement ?

6 – En sus et / ou en partenariat avec les GHT, les cabinets libéraux de médecins généralistes et les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) mettent en place des organisations ad-hoc afin de pouvoir accueillir les patients atteints du Covid-19. Dans plusieurs cas, ces organisations nécessitent de pouvoir bénéficier d’un renfort de la réserve sanitaire et risquent, en cas d’afflux important de patients, de générer une hausse des coûts de fonctionnement des cabinets concernés (achat de masques, de surblouses, etc). Selon les territoires, les ARS ont indiqué qu’elles « pourraient apporter un soutien financier aux organisations dédiées Covid (financement de temps de coordination ainsi que du personnel d’accueil, matériel de protection, personnel de surveillance, …) en fonction des besoins exprimés ». En dépit de ces engagements informels, il serait sans doute souhaitable, pour plus de clarté, qu’une doctrine claire puisse être communiquée aux praticiens.

 

2. En ce qui concerne le domaine du Ministère du Travail (7 questions) :

7 – Votre ministre du travail a indiqué que les parents d’enfants de moins de 16 ans qui ne peuvent recourir au télétravail ont droit automatiquement à un arrêt maladie qui leur assure un maintien de 90% de leur rémunération (pour un salarié dans le privé). Elle a précisé que l’employeur se fait rembourser par la Sécurité sociale ou, si il n’y a pas de subrogation, que le complément IJSS serait versé directement au salarié.

Sauf mauvaise compréhension de ma part, l’employeur se fait rembourser uniquement 50% du salaire versé via le mécanisme des indemnités journalières, les 40% restant de salaire versé au salarié en arrêt maladie pour garde d’enfant étant à la charge de l’employeur.

Or, dans le cas d’un arrêt maladie « classique », c’est-à-dire pour cause de maladie et non pour garde d’enfant, les 40% restant de salaire sont remboursés en totalité ou en quasi-totalité par les caisses de prévoyance pour les entreprises ayant fait le choix d’opter pour un contrat de réassurance. Cependant, les caisses de prévoyance n’ont pas prévu de prendre à leur charge les 40% restant de salaire dans le cadre d’un arrêt maladie pour garde d’enfant considérant que ces arrêts ne sont pas directement liés à un arrêt maladie personnel. Ces 40% resteront donc à la charge de l’employeur.

Je souhaiterais que vous puissiez me confirmer cette interprétation et au cas où cette interprétation serait inexacte que vous me précisiez le montant exact du remboursement total à l’employeur.

8 – Nous avons été interpellés par le secteur de la restauration rapide concernant l’éligibilité de leurs entreprises au dispositif d’activité partielle, dans la mesure où les services de livraison et de vente à emporter n’ont pas fait l’objet d’arrêtés de fermeture. Confirmez-vous que dès lors qu’un restaurateur estime qu’il n’est pas en capacité de garantir la protection de la santé de ses salariés, son entreprise devient automatiquement éligible au dispositif d’activité partielle ?

9 – L’ouverture des plateformes de livraison de repas interroge les travailleurs de ces plateformes. Bénéficiant de peu matériel de protection sanitaire, ces travailleurs sont surexposés au Covid-19 du fait de la nature de l’activité de livraison (contacts avec digicodes, interphones, portes d’immeubles, rampes d’escaliers, boutons d’ascenseur…). Ne bénéficiant pas du statut de salarié (malgré la récente requalification salariale d’un travailleur d’une ces plateformes par le conseil des prud’hommes de Paris), ils se trouvent également dans une situation de précarité économique incitant beaucoup d’entre eux à poursuivre leur activité et à prendre des risques sanitaires importants. Plusieurs syndicats et collectifs, à l’instar du Collectif des Livreurs Autonomes de Paris, demandent « l’arrêt immédiat de ces plateformes et l’indemnisation de tous les livreurs ». Le Gouvernement a-t-il prévu de répondre à cette demande ?

10 – L’ouverture autorisée des pressings interroge leurs propriétaires. Alors que l’ouverture des laveries automatiques paraît nécessaire, l’ouverture autorisée de l’ensemble des services de blanchisserie-teinturerie a pu provoquer des problèmes d’éligibilité à l’activité partielle pour certaines entreprises de pressing souhaitant fermer en raison d’une diminution significative de leur activité. Ces propriétaires de pressing demandent la fermeture administrative de leurs commerces, au même titre que l’ensemble des autres commerces non-essentiels. Cette demande est-elle prise en compte par le Gouvernement ?

11 – Les centres de contrôle technique sont également confrontés à une problématique de continuité de leur activité. En principe, durant cette période de confinement, ce type d’établissement doit rester ouvert mais, dans les faits, les clients ne se déplacent pas car ils ignorent si le fait de procéder au contrôle technique d’un véhicule constitue un motif de sortie valable. Le report annoncé des passages de véhicules au contrôle technique (3 mois pour les véhicules lents et 15 jours pour les poids lourds) ajoute au flou réglementaire. Le Gouvernement a-t-il prévu d’apporter des précisions quant à l’autorisation de sortie pour motif de contrôle technique ?

12 – Nous avons été alertés sur la situation des mineurs en apprentissage qui, pour beaucoup d’entre eux, continuent à travailler malgré le confinement. Ne serait-il pas envisageable de prévoir, pour les mineurs, un régime d’activité partielle automatique ? Les lycéens sont confinés chez eux : les jeunes apprentis devraient bénéficier d’un régime équivalent.

13 – Les travailleurs à domicile en chèque emploi service peuvent bénéficier d’un chômage partiel à 80% du salaire pour les heures non travaillées au mois de mars, mais qui devra être avancé par le particulier (puis remboursé par l’Etat). Deux questions se posent. Que se passe-t-il lorsque les employeurs ne veulent ou ne peuvent pas payer les salariés ? Les raisons invoquées sont le manque d’information sur la date des remboursements de l’Etat des montants avancés par les employeurs. Par ailleurs, ce système ne peut fonctionner pour des activités très irrégulières, par exemple pour un jardinier qui n’intervient pas toutes les semaines au domicile de ses clients.

 

3. En ce qui concerne le domaine du Ministère de la Transition écologique et solidaire (1 question) :

14 – De nombreuses entreprises ayant une activité non-essentielle ont décidé de poursuivre leur activité en réorganisant leurs modalités de travail. Mais certaines entreprises ont une activité qui dépend directement des consignes des pouvoirs publics. C’est par exemple le cas d’un laboratoire d’essais spécialisé dans la mesure de différents types de pollution, dont l’activité dépend des indications des DREAL. Ce laboratoire avait proposé de reporter de quatre semaines les mesures pour les sites dont les résultats étaient faibles mais a été fortement incité par la DREAL à poursuivre l’ensemble de ses activités, malgré un manque de matériel de protection. Ces consignes correspondent-elles à une politique fixée au niveau national par le Ministère de la Transition écologique et solidaire ?

 

4. En ce qui concerne le domaine du Ministère de l’Economie (1 question) :

15 – La période de référence pour l’éligibilité au fonds de solidarité ne semble pas adaptée pour les agences immobilières car leurs encaissements sont décalés d’au moins trois mois (en fonction des étapes d’un projet d’acquisition : promesse d’achat, signature du compromis de vente, signature de l’acte de vente). L’impact de la crise sanitaire liée au Covid-19 ne sera donc pas constatée ni sur le chiffre d’affaires de mars 2020 ni nécessairement sur celui d’avril 2020. En revanche, ces entreprises seront bien confrontées à un problème de trésorerie dans quelques mois.

 

5. En ce qui concerne le domaine du Ministère de la Cohésion des territoires (2 questions) :

16 – Après l’instauration d’une charte pour les chantiers du BTP, les architectes demandent la mise en place d’un service minimum d’intérêt général pour répondre aux besoins d’urgence chez les particuliers et dans les bâtiments de service public. Ils souhaitent ne pas voir la reprise des autres chantiers du BTP, ce qui implique de connaitre avec exactitude les catégories dites des « chantiers indispensables ». Pourriez-vous nous fournir des précisions sur ce point ?

17 – Nous avons été sollicités par les fédérations professionnelles de la construction sur la question de l’instruction décalée des autorisations d’urbanisme. Les délais d’instruction sont neutralisés pour les demandes d’autorisation d’urbanisme déposées avant le 12 mars 2020 et ce jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. Si l’état d’urgence dure deux mois, cela conduit à un délai de trois mois auquel il sera nécessaire d’ajouter un délai de recours supplémentaire de deux mois pour l’ensemble des permis non purgés au 12 mars, ce qui fait craindre que la quasi-totalité des autorisations ne seront purgées de tout recours qu’au début de l’année 2021. Les fédérations professionnelles concernées demandent la suppression du mois ajouté à la durée de l’état d’urgence sanitaire ou une réduction des délais de recours. Le Gouvernement a-t-il prévu de répondre à ces demandes ?

 

6. En ce qui concerne le domaine du Ministère de l’Education nationale (1 question) :

18 – Nous avons été alertés sur la situation des enfants et adolescents vivant des situations dégradées sur le plan matériel et psychologique. Ces situations (liées aux inégalités sociales, aux relations avec les parents…) sont bien sûr exacerbées pendant la période de confinement. Pouvons-nous, dans le strict respect des règles de prévention sanitaire, mobiliser, par élargissement des mesures d’accueil pour les enfants de soignants, un accueil de ceux qui sont exposés au sein de leur famille à des situations dégradées pendant le confinement sans que pour autant ils ne relèvent de l’Aide sociale à l’enfance ? Le Ministère de l’Education nationale a-t-il prévu la mise en place, à la rentrée, de cellules d’écoute et de soutien psychologique ?

 

7. En ce qui concerne le domaine de l’Agriculture et de l’Alimentation (2 questions) :

19 – Le Ministre de l’Agriculture a lancé un appel pour aider les agriculteurs en manque de main d’œuvre. Cet appel suscite plusieurs interrogations. A titre bénévole, des salariés d’autres secteurs d’activité actuellement en chômage partiel pourront-ils aller travailler sur l’exploitation sans perdre leurs droits ? Par ailleurs, il nous semble qu’un système de location de main d’œuvre pourrait être mis en place et que les agriculteurs y seraient globalement favorables. Dans ce cas, comment un tel dispositif s’articulerait-il avec le chômage partiel ? En découle une question plus générale sur la situation des personnes qui iront, à titre bénévole, aider dans les secteurs en tension. Quelle protection, quel statut, quelle assurance d’avoir leurs droits au chômage ?

20 – De nombreux exploitants agricoles et acteurs de la chaîne alimentaire nous alertent sur les conséquences de la crise sanitaire du Covid-19 sur l’économie de leur filière. En effet, ils observent que la fragilisation d’un seul segment, comme la logistique ou le conditionnement, peut à tout moment remettre en cause la chaîne agroalimentaire dans son ensemble. Ils constatent également que la tension sur certains produits alimentaires de première nécessité et le quasi-monopole de quelques centrales d’achat sur la distribution de ceux-ci peuvent limiter la capacité d’un réseau commercial diversifié à couvrir en proximité une partie du territoire français déjà fortement handicapée par la suspension des marchés de plein air. Face à ces constats, quels sont les moyens mobilisés par l’Etat pour accompagner les agriculteurs et les transformateurs dans la préservation des outils de travail indispensables à la continuité des capacités de production et de transformation de nos territoires ? Par ailleurs, quelles nouvelles régulations commerciales au niveau international et national envisagez-vous afin d’assurer, dans la durée, la solidité et la résilience de notre sécurité alimentaire et un accès équilibré à la nourriture par l’ensemble de nos concitoyens dans des situations de crise ?

 

8. En ce qui concerne le domaine du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (1 question) :

21 – A ce jour, 46 pays africains sont touchés par le Covid-19. Lundi 30 mars, 4 756 cas positifs y ont été déclarés et 146 décès recensés. Les mesures de confinement seront difficilement applicables dans plusieurs pays africains, étant donné la précarité économique d’une grande partie de la population (qui doit travailler pour se nourrir au quotidien). Par ailleurs, l’Afrique subsaharienne ne compte qu’un médecin et 10 lits d’hôpital pour 10 000 habitants, contre 32 médecins et 61 lits en France pour 10 000 habitants. Dans ce contexte, il est impératif que la France apporte son aide aux pays africains qui en font la demande afin de limiter la propagation du Covid-19 à l’échelle mondiale. Quelle est la stratégie de la France en la matière ? Quelles actions de coopération sont prévues à ce stade ?

 

Valérie RABAULT
Présidente du groupe socialiste et apparentés

Pour consulter le courrier du 3 avril :  ICI