La Majorité refuse le débat sur le revenu de base : une vraie occasion manquée

Rapporteur pour les Députés Socialistes et apparentés, j’ai défendu jeudi 31 janvier, la proposition de loi émanant de 18 départements – dont celui de l’Ardèche, fruit d’un travail de près de trois ans.

Ces départements, représentant 12 millions d’habitant-e-s, souhaitent pouvoir expérimenter un revenu de base sur un échantillon de 60 000 personnes.

 

Malgré des divergences entre les différents groupes politiques sur ce texte, tous souhaitaient pouvoir en débattre au sein de l’hémicycle. Tous, sauf les députés de la Majorité parlementaire qui ont déposé contre cette proposition de loi une motion de rejet, refusant ainsi de le mettre en discussion et renvoyant à un « revenu universel d’activité », évoqué par le Président de la République, condionnalisé et non ouvert aux moins de 25 ans.

Je regrette profondément que le Gouvernement n’ait pas saisi l’occasion de s’emparer du revenu de base, fruit de trois années de travail qui aurait pu être applicable de suite.

Ce dispositif n’avait pas la prétention de résoudre l’ensemble des inégalités sociales de notre pays. Il avait néanmoins l’ambition d’en corriger quelques-unes en apportant une réponse à la détresse sociale.

 

Retrouvez ci-dessous mon intervention en séance et en vidéos ma présentation du texte et ma réponse à la Majorité parlementaire. 

 

Intervention en séance pour l'examen de la proposition de loi portant sur l'expérimentation du revenu de base

Rapporteur pour les Députés Socialistes et apparentés, j'ai défendu la proposition de loi émanant de 18 départements, fruit d'un travail de près de trois ans. Ces départements, représentant 12 millions d'habitant-e-s, souhaitent pouvoir expérimenter un revenu de base sur un échantillon de 60 000 personnes. Retrouvez ici mon intervention en séance. —————Madame la Présidente, Madame la Secrétaire d’Etat, Madame la Présidente de la Commission,Chères et chers Collègues, Vous connaissez la cohorte de chiffres suivants:¥ 9 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté,¥ Parmi eux, 3 millions d’enfants, 1,2 millions retraités et 600 000 mères isolées¥ 46% des étudiants sont obligés de travailler pour financer leurs études ¥ 20% des artisans-commerçants n’atteignent pas le SMIC¥ 20% des agriculteurs ne peuvent pas se verser de salaires et 30% d'entre eux touchent moins de 350 euros par mois. Ces chiffres sont tellement connus, qu’ils ont fini par se banaliser. Ils ne scandalisent plus. Ils émeuvent à peine. Ils sont devenus pour beaucoup une fatalité puisque tout aurait été essayé. Plus personne ne s’étonne de vivre dans un pays qui a si bien réussi économiquement et beaucoup moins socialement. Personne n’a fêté en décembre dernier les 30 ans du RMI, devenu RSA, peut-être par refus de regarder la réalité en face, celle de notre incapacité à inventer des solidarités nouvelles en 3 décennies. Depuis 30 ans, on bricole : contrats aidés, primes plus ou moins ponctuelles, allègements de charges plus ou moins conditionnés, des curseurs que l’on déplace, des dispositions que l’on rajoute, que l’on combine. Et au final, un système de protection sociale que plus personne ne comprend, comme une jungle impénétrable. Certains s’offusquent des milliards dépensés pour si peu de résultats. Les bénéficiaires, eux, se résignent et parfois se révoltent, au point de vouloir renverser le système qui les protège pourtant, un tant soit peu. C’est ainsi que la rue nous a parfois offert ces dernières semaines le spectacle paradoxal de ceux qui réclamaient moins de prélèvements, marchant main dans la main avec ceux qui réclamaient plus de protection. Sur le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, je sais que nous ne partagerons pas les mêmes solutions. Mais jusqu’à quand va-t-on partager le même constat d’échec sans autre réaction ? Ce constat, vous en connaissez la teneur :¥ Des procédures administratives si lourdes que certains préfèrent renoncer à leurs droits¥ La France classée au rang de très mauvais élève en Europe pour l’accompagnement social des jeunes ¥ Des ruptures de droits qui dissuadent certains de prendre un emploi à durée déterminée pour ne pas perdre ce qui leur a été accordé.¥ Des stratégies qui consistent à cumuler minima sociaux et petits boulots non déclarés pour s’en sortir à peu près¥ Des travailleurs sociaux souvent découragés Dans le pays de l’innovation et de l’expérimentation, la lutte contre la pauvreté reste le parent pauvre. Pas d’Agence nationale de l’innovation en la matière. Nous sommes enfermés dans un système de protection sociale qui reproduit les inégalités plus qu’il ne les corrige. Enfermés, parce qu’il ne peut y avoir de grande réforme sociale sans une grande réforme fiscale. Alors à défaut de réformer tout le système socio-fiscal, cette PPL vise plus modestement à poser une première brique par l’expérimentation. Mais une brique ambitieuse. Il s’agit de faire plus JUSTE, plus SIMPLE, de faire AUTOMATIQUE, de faire REACTIF. Il s’agit surtout de tester avant d’envisager de déployer. Cette proposition de loi n’a pas vocation à éradiquer la pauvreté ou à régler les questions de pouvoir d’achat. La lutte contre la pauvreté ne se résume pas au versement d'un revenu de base. Pas plus qu’il ne s’agit de créer un revenu de substitution qui viendrait remettre en cause la valeur du travail et l’objectif ultime, celui de permettre à chacun de vivre dignement des fruits de son travail. Tout au contraire, il s’agit de repenser l’accompagnement vers l’emploi, de reconnaitre des activités qui ne le sont pas et d’améliorer l’incitation au travail.Cette proposition de loi consiste à expérimenter un revenu de base et non à le décréter. Nous croyons en l’intelligence territoriale. Nous pensons que c’est par elle que peut venir l’innovation sociale. Par conséquent, au moment de vous prononcer sur cette PPL, ne vous demandez pas si les 2 scénario à expérimenter sont bons ou mauvais. Demandez-vous si l’on peut raisonnablement refuser à 18 départements d’aller au bout d’une démarche commencée il y a près de 3 ans.L’Etat peut-il encore, en 2019, écraser l’initiative locale, brider la capacité créatrice des collectivités, alors que ce même Etat viendra chercher ces mêmes collectivités pour mettre en œuvre ce qu’il aura décidé et peut-être pour financer ce qu’il aura initié ? Ces 18 départements, qui représentent 12 millions d’habitants, ont produit un travail de fond considérable, dont la rigueur n’est pas contestable : il y a eu d’abord, une grande consultation citoyenne qui a généré plus de 15 000 contributions. Ensuite, une étude approfondie réalisée par des experts, des économistes, des chercheurs de l’Institut des politiques publiques (IPP), pour élaborer des simulations précises et retenir 2 scénarios qui doivent désormais pouvoir être soumis à expérimentation.Le texte inscrit à l’ordre du jour n’a donc pas été écrit à la va-vite pour répondre à l’actualité sociale ou pour doubler le Gouvernement. Il a fait l’objet d’un travail de long terme.Ce revenu de base qu’il est question d’expérimenter n’est pas un revenu universel versé à tous, sans condition de ressources. Il reste néanmoins audacieux socialement, soutenable financièrement et crédible scientifiquement. Il ne relève pas d’une approche dogmatique, mais d’une analyse fine faite par des acteurs de terrain qui mesurent l’urgence sociale mieux que quiconque. L’annonce d’un Revenu Universel d’Activité par le Président de la République démontre s’il en était besoin, la nécessité d’agir vite. Il existe une France sans emploi. Peut-on la laisser sans ressources et sans espoir ?Au-delà du fait que ce revenu de base fusionne différents dispositifs, il présente 3 avancées majeures :1) Une ouverture aux personnes de moins de 18 ans.Les jeunes sont particulièrement touchés par la pauvreté, et cette situation tend à s’aggraver : 16,1 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans se trouvent en dessous du seuil de pauvreté et seulement 1300 foyers ont accès au RSA « jeunes actifs ».En créant un droit nouveau on s’adapte aux réalités sociales. Des réalités faites de familles parfois éclatées où les solidarités familiales s’exercent moins bien. Faites aussi de jeunes sans soutien financier, y compris dans des familles aisées. Ou à contrario, de jeunes issus de familles défavorisées et qui nourrissent le sentiment d’être condamnés à subir les inégalités sociales que leurs parents ont déjà subies. 2) La deuxième avancée importante tient à l’automaticité du versement du revenu de base.Vous connaissez l’importance du non-recours aux droits : 36 % des personnes éligibles au RSA n’en bénéficient pas. Le droit, lorsqu’il n’est pas accessible à tous, crée des laissés pour compte. C’est pourquoi la proposition de loi instaure un versement automatique du revenu de base à toutes les personnes qui y sont éligibles.Ce versement automatique est désormais techniquement possible et a fait l’objet d’un travail approfondi par l’Institut des Politiques Publiques. 3) Enfin, la dernière grande avancée tient à l’inconditionnalité du versement du revenu de base.L’inconditionnalité telle que nous l’entendons, signifie que le versement du revenu de base ne serait pas conditionné à un contrôle de l’effectivité de la recherche d’emploi. Non seulement elle n’exclut pas l’accompagnement vers l’emploi, mais elle doit permettre au contraire de conforter le temps mobilisable par les référents pour cet accompagnement.L’inconditionnalité fait débat depuis toujours. Tranchons ce débat. Et pour cela, expérimentons. Il y a au moins trois arguments à considérer :1 / Nous entretenons un système hypocrite puisque les sanctions possibles ne sont pas prises ou très peu mises en œuvre. A vrai dire, sont-elles applicables et peut-on jeter à la rue des hommes et des femmes déjà dans la précarité ?2 / Jusqu’à preuve du contraire, s’épanouir heureux avec 550 euros par mois est assez rare et bien évidemment, l’immense majorité des allocataires souhaite intégrer le monde du travail 3 / Le fait de ne pas conditionner le versement du revenu de base permet de valoriser d’autres formes d’engagement. Je pense aux aidants familiaux, qui doivent cesser leur travail pour s’occuper de leurs proches, sans recevoir d’aides de la société. Je pense aux étudiants, pour qui un revenu de base permettrait d’envisager sereinement la poursuite d’études, sans être contraints de travailler en parallèle.Le revenu de base que 18 Départements Français vous demandent d’expérimenter, constitue donc à la fois une arme nouvelle pour lutter contre la pauvreté, compléter des bas revenus, faciliter l’accès aux droits et en ouvrir de nouveaux pour la jeunesse française.En 2016, le Sénat a adopté à l’unanimité l’excellent rapport du Sénateur Percheron qui concluait sur la nécessité d’expérimenter un revenu de base.Serons-nous à la hauteur du Sénat ? Ou bien est-ce que vous allez tenter de nous faire croire que vous pouvez faire mieux et plus vite ? Allons-nous considérer que le temps compte peu et qu’il est possible de passer par pertes et profits le travail remarquable de 18 départements ? Je vous invite une dernière fois à vous saisir de cette opportunité. Je vous invite à faire droit à ces départements qui ont un temps d’avance. Mais a-t-on vraiment un temps d’avance quand il s’agit de faire face à l’urgence ?

Publiée par Hervé Saulignac, Député de l'Ardèche sur Jeudi 31 janvier 2019

 

 

Conclusion suite à motion de rejet préalable – PPL Revenu de base

« Tant qu'il ne sera pas possible de garantir à chacun un emploi, il faudra, à titre de réparation, garantir à chacun un revenu. » Michel Rocard, 1988, lors des débats sur la création du RMI.#RevenuDeBase #DirectANRetrouvez ici ma conclusion, suite à la motion de rejet préalable déposée par LREM, fermant la porte à un débat au sein de l'Assemblée nationale.

Publiée par Hervé Saulignac, Député de l'Ardèche sur Jeudi 31 janvier 2019


 

————————————————————————————————————————————————————————————————————————————–

Madame la Présidente, 
Madame la Secrétaire d’Etat, 
Madame la Présidente de la Commission,
Chères et chers Collègues,

Vous connaissez la cohorte de chiffres suivants:

  • 9 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté,
  • Parmi eux, 3 millions d’enfants, 1,2 millions retraités et 600 000 mères isolées
  • 46% des étudiants sont obligés de travailler pour financer leurs études 
  • 20% des artisans-commerçants n’atteignent pas le SMIC
  • 20% des agriculteurs ne peuvent pas se verser de salaires et 30% d’entre eux touchent moins de 350 euros par mois.

Ces chiffres sont tellement connus, qu’ils ont fini par se banaliser. Ils ne scandalisent plus. Ils émeuvent à peine. Ils sont devenus pour beaucoup une fatalité puisque tout aurait été essayé.

Plus personne ne s’étonne de vivre dans un pays qui a si bien réussi économiquement et beaucoup moins socialement.

Personne n’a fêté en décembre dernier les 30 ans du RMI, devenu RSA, peut-être par refus de regarder la réalité en face, celle de notre incapacité à inventer des solidarités nouvelles en 3 décennies.

Depuis 30 ans, on bricole : contrats aidés, primes plus ou moins ponctuelles, allègements de charges plus ou moins conditionnés, des curseurs que l’on déplace, des dispositions que l’on rajoute, que l’on combine.

Et au final, un système de protection sociale que plus personne ne comprend, comme une jungle impénétrable.

Certains s’offusquent des milliards dépensés pour si peu de résultats. Les bénéficiaires, eux, se résignent et parfois se révoltent, au point de vouloir renverser le système qui les protège pourtant, un tant soit peu.

C’est ainsi que la rue nous a parfois offert ces dernières semaines le spectacle paradoxal de ceux qui réclamaient moins de prélèvements, marchant main dans la main avec ceux qui réclamaient plus de protection.

Sur le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, je sais que nous ne partagerons pas les mêmes solutions.

Mais jusqu’à quand va-t-on partager le même constat d’échec sans autre réaction ?

Ce constat, vous en connaissez la teneur :

  • Des procédures administratives si lourdes que certains préfèrent renoncer à leurs droits
  • La France classée au rang de très mauvais élève en Europe pour l’accompagnement social des jeunes 
  • Des ruptures de droits qui dissuadent certains de prendre un emploi à durée déterminée pour ne pas perdre ce qui leur a été accordé.
  • Des stratégies qui consistent à cumuler minima sociaux et petits boulots non déclarés pour s’en sortir à peu près
  • Des travailleurs sociaux souvent découragés

Dans le pays de l’innovation et de l’expérimentation, la lutte contre la pauvreté reste le parent pauvre. Pas d’Agence nationale de l’innovation en la matière.

Nous sommes enfermés dans un système de protection sociale qui reproduit les inégalités plus qu’il ne les corrige. Enfermés, parce qu’il ne peut y avoir de grande réforme sociale sans une grande réforme fiscale.

Alors à défaut de réformer tout le système socio-fiscal, cette PPL vise plus modestement à poser une première brique par l’expérimentation. Mais une brique ambitieuse. Il s’agit de faire plus JUSTE, plus SIMPLE, de faire AUTOMATIQUE, de faire REACTIF. Il s’agit surtout de tester avant d’envisager de déployer.

Cette proposition de loi n’a pas vocation à éradiquer la pauvreté ou à régler les questions de pouvoir d’achat. La lutte contre la pauvreté ne se résume pas au versement d’un revenu de base.

Pas plus qu’il ne s’agit de créer un revenu de substitution qui viendrait remettre en cause la valeur du travail et l’objectif ultime, celui de permettre à chacun de vivre dignement des fruits de son travail. Tout au contraire, il s’agit de repenser l’accompagnement vers l’emploi, de reconnaitre des activités qui ne le sont pas et d’améliorer l’incitation au travail.

Cette proposition de loi consiste à expérimenter un revenu de base et non à le décréter. Nous croyons en l’intelligence territoriale. Nous pensons que c’est par elle que peut venir l’innovation sociale.

Par conséquent, au moment de vous prononcer sur cette PPL, ne vous demandez pas si les 2 scénario à expérimenter sont bons ou mauvais. Demandez-vous si l’on peut raisonnablement refuser à 18 départements d’aller au bout d’une démarche commencée il y a près de 3 ans.

L’Etat peut-il encore, en 2019, écraser l’initiative locale, brider la capacité créatrice des collectivités, alors que ce même Etat viendra chercher ces mêmes collectivités pour mettre en œuvre ce qu’il aura décidé et peut-être pour financer ce qu’il aura initié ?

Ces 18 départements, qui représentent 12 millions d’habitants, ont produit un travail de fond considérable, dont la rigueur n’est pas contestable : il y a eu d’abord, une grande consultation citoyenne qui a généré plus de 15 000 contributions. Ensuite, une étude approfondie réalisée par des experts, des économistes, des chercheurs de l’Institut des politiques publiques (IPP), pour élaborer des simulations précises et retenir 2 scénarios qui doivent désormais pouvoir être soumis à expérimentation.

Le texte inscrit à l’ordre du jour n’a donc pas été écrit à la va-vite pour répondre à l’actualité sociale ou pour doubler le Gouvernement. Il a fait l’objet d’un travail de long terme.

Ce revenu de base qu’il est question d’expérimenter n’est pas un revenu universel versé à tous, sans condition de ressources.

Il reste néanmoins audacieux socialement, soutenable financièrement et crédible scientifiquement. Il ne relève pas d’une approche dogmatique, mais d’une analyse fine faite par des acteurs de terrain qui mesurent l’urgence sociale mieux que quiconque.

L’annonce d’un Revenu Universel d’Activité par le Président de la République démontre s’il en était besoin, la nécessité d’agir vite. Il existe une France sans emploi. Peut-on la laisser sans ressources et sans espoir ?

Au-delà du fait que ce revenu de base fusionne différents dispositifs, il présente 3 avancées majeures :

1) Une ouverture aux personnes de moins de 18 ans.

Les jeunes sont particulièrement touchés par la pauvreté, et cette situation tend à s’aggraver : 16,1 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans se trouvent en dessous du seuil de pauvreté et seulement 1300 foyers ont accès au RSA « jeunes actifs ».

En créant un droit nouveau on s’adapte aux réalités sociales. Des réalités faites de familles parfois éclatées où les solidarités familiales s’exercent moins bien. Faites aussi de jeunes sans soutien financier, y compris dans des familles aisées. Ou à contrario, de jeunes issus de familles défavorisées et qui nourrissent le sentiment d’être condamnés à subir les inégalités sociales que leurs parents ont déjà subies.

2) La deuxième avancée importante tient à l’automaticité du versement du revenu de base.

Vous connaissez l’importance du non-recours aux droits : 36 % des personnes éligibles au RSA n’en bénéficient pas.

Le droit, lorsqu’il n’est pas accessible à tous, crée des laissés pour compte. C’est pourquoi la proposition de loi instaure un versement automatique du revenu de base à toutes les personnes qui y sont éligibles.

Ce versement automatique est désormais techniquement possible et a fait l’objet d’un travail approfondi par l’Institut des Politiques Publiques.

3) Enfin, la dernière grande avancée tient à l’inconditionnalité du versement du revenu de base.

L’inconditionnalité telle que nous l’entendons, signifie que le versement du revenu de base ne serait pas conditionné à un contrôle de l’effectivité de la recherche d’emploi. Non seulement elle n’exclut pas l’accompagnement vers l’emploi, mais elle doit permettre au contraire de conforter le temps mobilisable par les référents pour cet accompagnement.

L’inconditionnalité fait débat depuis toujours. Tranchons ce débat. Et pour cela, expérimentons. Il y a au moins trois arguments à considérer :
1 / Nous entretenons un système hypocrite puisque les sanctions possibles ne sont pas prises ou très peu mises en œuvre. A vrai dire, sont-elles applicables et peut-on jeter à la rue des hommes et des femmes déjà dans la précarité ?
2 / Jusqu’à preuve du contraire, s’épanouir heureux avec 550 euros par mois est assez rare et bien évidemment, l’immense majorité des allocataires souhaite intégrer le monde du travail 
3 / Le fait de ne pas conditionner le versement du revenu de base permet de valoriser d’autres formes d’engagement. Je pense aux aidants familiaux, qui doivent cesser leur travail pour s’occuper de leurs proches, sans recevoir d’aides de la société. Je pense aux étudiants, pour qui un revenu de base permettrait d’envisager sereinement la poursuite d’études, sans être contraints de travailler en parallèle.

Le revenu de base que 18 Départements Français vous demandent d’expérimenter, constitue donc à la fois une arme nouvelle pour lutter contre la pauvreté, compléter des bas revenus, faciliter l’accès aux droits et en ouvrir de nouveaux pour la jeunesse française.

En 2016, le Sénat a adopté à l’unanimité l’excellent rapport du Sénateur Percheron qui concluait sur la nécessité d’expérimenter un revenu de base.
Serons-nous à la hauteur du Sénat ? 
Ou bien est-ce que vous allez tenter de nous faire croire que vous pouvez faire mieux et plus vite ? 
Allons-nous considérer que le temps compte peu et qu’il est possible de passer par pertes et profits le travail remarquable de 18 départements ? 
Je vous invite une dernière fois à vous saisir de cette opportunité. Je vous invite à faire droit à ces départements qui ont un temps d’avance. Mais a-t-on vraiment un temps d’avance quand il s’agit de faire face à l’urgence ?