Loi de finances de la Sécurité sociale : pourquoi jai voté contre

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, mardi 30 octobre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 par 335 voix contre 190 et 33 abstentions. J’ai voté contre ce texte. 

Pourquoi cette opposition ? De manière générale dans ce PLFSS, les grandes orientations qui sont prises que ce soit en matière de financement de notre modèle social ou en matière de politiques de santé publique, ne sont pas salutaires.

Je considére que le compte n’y est pas, car dans ce PLFSS, le Gouvernement a décidé pour la première fois depuis 1945 de ne plus compenser le budget de la sécurité sociale lorsqu’il sert à financer une mesure concernant le budget de l’État (exemple: la désocialisation des heures supplémentaires, ne sera pas compensée à la sécurité sociale par le budget de l’État. Or, on est en droit de se demander si c’est à la Sécu de financer la baisse du coût du travail et le pouvoir d’achat des français. La Sécu n’a pas été créée pour cela).

Par ailleurs, après 18 années d’austérité pour l’hôpital, et maintenant que le budget de la sécurité sociale est à l’équilibre et qu’il sera demain excédentaire, le Gouvernement a fait voter un article qui organise la reprise par l’État des excédents de la Sécu. Ainsi le Gouvernement prévoit un siphonnage par l’Etat des recettes de la sécurité sociale.

Aussi, concernant la situation des EHPAD et de l’hôpital public on peut estimer que le Gouvernement ne répond pas à la crise correctement. Il propose de nouvelles mesures organisationnelles mais actuellement le problème repose surtout sur un manque d’investissements dans la santé: le taux d’investissements est historiquement faible dans les hôpitaux publics. L’augmentation de l’ONDAM de 2,3 à 2,5 points (400M€ sur 200 milliards) est insuffisante. Les effectifs ont augmenté infiniment moins vite que les actes en volume. On ne peut plus considérer que les difficultés de l’hôpital sont solubles dans une meilleure organisation.

Enfin, concernant le pouvoir d’achat, ce PLFSS prévoit le quasi-gel des prestations sociales et familiales ce qui va se traduire par une perte importante du pouvoir d’achat pour les français puisque l’inflation prévue pour 2019 et de 1,6% selon le Gouvernement.

 

Vous trouverez ci-après le détail de mon vote sur quelques articles clés :

 

Article 7 : La désocialisation des heures supplémentaires
Contrairement au dispositif mis en place par Nicolas Sarkozy, les heures supplémentaires et complémentaires ne seront pas défiscalisées mais elles seront exonérées de cotisations salariales. Coût pour les finances publiques : 2 milliards d’euros.

Le groupe socialiste a voté contre cette mesure pour deux raisons :

·         Les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires prévues par l’Etat (2 Mds€ en année pleine) seront dès 2019 supportées par la Sécurité Sociale sans compensation par le budget de l’Etat prévue.

·         Selon l’OFCE cette mesure pourrait détruire 19 000 emplois et empêcher la création de 38 000 à 44 000 emplois à l’horizon 2022.

 

Article 8 : La transformation du CICE en exonération pérennes de cotisations

C’est la mesure la plus coûteuse du PLFSS. Dès le 1er janvier 2019, les entreprises bénéficieront de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), créé sous le quinquennat de François Hollande, en allégement de cotisations pérenne.

Ce changement va peser lourdement sur le déficit public en 2019, l’Etat devant payer « double », en supportant le remboursement du CICE pour 2018 et la baisse de cotisations pour l’année en cours, soit un total de 40 milliards d’euros.

 

Concernant les travailleurs saisonniers dans l’agriculture : après de longs débats, des dispositions ont été votées afin d’aménager la fin de l’exonération de cotisations pour l’emploi de travailleurs saisonniers. Dans le texte initial, le Gouvernement supprimait ce dispositif d’exonérations de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi (TO-DE). Aussi, nous avions obtenu en commission la suppression de l’alinéa qui prévoyait cela.

En séance, le Gouvernement a proposé un amendement n°1548 visant à trouver une solution ponctuelle. Cet amendement prévoit pour les employeurs de main d’œuvre occasionnelle agricole, un dispositif d’atténuation des effets de la suppression du dispositif TO-DE, au titre des années 2019 et 2020. L’exonération sera ainsi totale sur un plateau allant jusqu’à 1,10 SMIC pour les années 2019 et 2020 avec un point de sortie à 1, 6 SMIC.

Ainsi, le Gouvernement donne deux ans aux employeurs de saisonniers agricoles pour s’adapter, dans l’optique d’une harmonisation complète, à compter de 2021, avec le régime des allègements généraux renforcés applicable à l’ensemble des employeurs de main d’œuvre.

Le groupe socialiste proposait au contraire le maintien du dispositif TO-DE et nous avons sous-amendé cet amendement du Gouvernement (sous-amendement n°1563), pour proposer d’étendre cette exonération totale des cotisations patronales sur un plateau allant jusqu’à 1,4 SMIC avec un point de sortie à 1,9 SMIC. La majorité LREM a rejeté cet amendement.

 

Article 11 : Correctif CSG
Conformément à l’engagement du premier ministre Edouard Philippe, une mesure corrective sur la CSG au bénéfice de 350 000 foyers, pour un coût de près de 350 millions d’euros était prévue dans ce PLFSS 2019.

Néanmoins, elle n’allait pas assez loin pour une vingtaine de députés La République en marche qui ont fait adopter, en commission des affaires sociales et contre l’avis du rapporteur général, Olivier Véran, un amendement prévoyant de moduler la hausse de la CSG pour les retraités en fonction de leurs niveaux de revenus. Agnès Buzyn, la ministre des solidarités et de la santé, s’y était également opposée. 

En séance, l’amendement a été rejeté, le groupe socialiste a voté contre cet amendement car il créait un nouveau taux de CSG à 9,2% pour les foyers qui excèdent 36 000 € pour la première part de quotient familial, majorée de 9 604 € pour chaque demi-part supplémentaire. En revanche, conformément à notre contre budget nous avons déposé un amendement (rejeté) fixant une évolution du taux de CSG pour les retraités au-dessus du seuil équivalent au coût moyen d’une maison de retraite médicalisée.

 

Article 19 : Siphonnage des recettes de la Sécurité sociale
Avec cet article, l’Etat entend faire supporter les nouvelles exonérations à la « sphère à laquelle le prélèvement est affecté ». Ainsi, par exemple, les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires (2 Mds€ en année pleine) seront dès 2019 supportées par la Sécurité Sociale.

Aussi, à partir de 2020, l’État transfèrera progressivement à la Sécurité Sociale la charge des allègements de cotisations, soit environ 20 Mds€, remplaçant les CICE et le CITS. En outre, l’État ne versera à la Sécurité Sociale que le montant strictement nécessaire à l’équilibre de ses comptes.

Ainsi, le Gouvernement met fin au principe de compensation entre le budget de l’Etat et le budget de la Sécurité sociale. Ce principe de compensation trouve ses origines dans le conseil national de résistance et avait été confirmé par la loi Veil de 1994 qui garantissait l’autonomie du budget de la sécurité sociale ainsi qu’un financement exclusif et affecté de la Sécurité sociale.

Le groupe socialiste s’est donc opposé à cet article qui organise la transformation structurelle de la sécurité sociale.

 

Après article 29 : Expérimentations dans le système de santé
En commission des affaires sociales, Olivier Véran, rapporteur général du budget de la sécurité sociale, avait fait adopter un amendement (n°AS659) pour inciter financièrement les hôpitaux à réorienter les personnes atteintes des pathologies les moins graves vers les médecins généralistes. Le groupe socialiste avait voté contre étant donné les risques d’une telle mesure.

Devant la colère des syndicats de médecins libéraux et les différentes critiques, Olivier Véran a revu sa copie pour proposer dans un premier temps une expérimentation (amendement n°1621) pendant une période maximale de trois ans. Le groupe socialiste a voté contre.

 

Article 33 : Le 100% santé ou « Rac zéro »
Cet article organise la mise en place du panier « 100% santé », c’est-à-dire du RAC zéro pour les frais de santé en optique, aide auditive et prothèses dentaire. Le groupe socialiste a voté pour cet article mais a objecté qu’il faudrait une prise en charge à 100% par la sécurité sociale et non une prise en charge à 100% après complémentaire car tous les français n’ont pas de complémentaire santé (environ 5% selon France Assos Santé). Nous avons aussi alerté sur l’augmentation prévisible du prix des mutuelles.

Aussi, nous avons déposé un amendement proposant la mise en place du tiers payant pour le 100% santé sur le dentaire, l’optique et l’audiologie. Concernant cet amendement, la ministre Agnès Buzyn a pris un engagement de principe sans pour autant donner un avis favorable.

 

Article 34 : La fusion de l’ACS avec la CMU-c
C’est l’une des dispositions-clés du plan pauvreté qui est ainsi mise en œuvre. Au 1er novembre 2019, l’aide à la complémentaire santé disparaît au profit de la couverture-maladie universelle complémentaire (CMU-C) – moyennant une contribution maximale de 30 euros par mois, liée à l’âge du bénéficiaire. Une réforme dont le coût est estimé à 200 millions d’euros par an à partir de 2020.

Le groupe socialiste a voté pour cette mesure et a fait adopter un amendement n°1268 visant à supprimer les pénalités financières prévues à l’encontre des bénéficiaires de la nouvelle CMU-c n’ayant pas payé la contribution dont ils sont redevables estimant que cela ne ferait qu’aggraver la situation de précarité de ces personnes.

 

Articles 39 et 43 : Mesures relatives aux pharmaciens
Concernant les pharmaciens, l’article 39 prévoit une généralisation de la vaccination antigrippale par les pharmaciens (c’était jusqu’à présent une expérimentation votée dans le PLFSS 2017). Le groupe socialiste a voté pour cet article.

L’article 43 vise à encourager la substitution des princeps par des médicaments génériques par les pharmaciens en faisant reposer la justification d’une mention « non-substituable » sur des critères médicaux objectifs. Là encore, le groupe socialiste a voté pour cet article.

Enfin, un amendement n°401 de la députée Delphine Bagarry (Alpes-de-Haute-Provence, LREM)  concernant la possibilité pour les pharmaciens de délivrer des médicaments sans ordonnance médicale (pour les infections cutanées, optiques et urinaires) a été rejeté par la majorité LREM alors qu’il avait été adopté en commission des affaires sociales, il avait reçu un avis défavorable du Gouvernement. Le groupe socialiste, en revanche, a voté pour cet amendement.

 

Article 44 : Quasi-gel de certaines prestations sociales.
Cet article prévoit, au cours des deux prochaines années, une revalorisation de certaines prestations sociales (APL, toutes les allocations familiales et les pensions de retraite) de 0,3% par an, c’est-à-dire un pourcentage inférieur à l’inflation (1,6%) qui est normalement le critère de revalorisation des prestations sociales.

Cette mesure permet d’économiser 1,8 milliard d’euros par an. Les allocations familiales et logement sont également concernées par cette sous-indexation. Le groupe socialiste a voté contre cet article.

 

Article 47 et 48 : Le congé maternité et congé paternité
Le PLFSS 2019 prévoit pour les travailleuses indépendantes, agricultrices et chefs d’entreprises, le bénéfice du même nombre de jours de congé maternité que les salariées, dès 2019 soit 112 jours. Les indépendantes ne seront évidemment pas obligées de prendre ces seize semaines, mais si elles veulent être indemnisées, elles devront s’arrêter au moins trois semaines avant la naissance et cinq semaines après. Soit 56 jours contre 44 aujourd’hui. 

Autre mesure majeure adoptée par les députés, les indépendantes se verront désormais proposer automatiquement un report de leurs cotisations sociales pendant leur congé maternité.

Pour les pères dont le nouveau-né doit être hospitalisé à la naissance, un allongement exceptionnel du congé paternité vient d’être voté. Le groupe socialiste a voté pour ces mesures.